Neuroleptiques: la chronologie de l’échec

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Extrait de l’article : L’affaire des médicaments neuroleptiques : 50 ans d’observations à faire plus de mal que de bien de Robert Whitaker.

Préclinique

1883 : Les phénothiazines sont développées comme colorants synthétiques.

1934 : Le Département de l’Agriculture des États-Unis développe les phénothiazines, utilisés comme insecticides.

1949 : Les phénothiazines rendent les rats incapables de grimper à une corde.

1950 : Rhone Poulenc synthétise la chlorpromazine, une phénothiazine, utilisée comme anesthésique.

Histoire clinique / neuroleptiques typiques

1954 : La chlorpromazine, commercialisée aux États-Unis sous le nom de Thorazine, induit des symptômes parkinsoniens.

1955 : La chlorpromazine induit des symptômes similaires à l’encéphalite léthargique.

1959 : Premiers rapports concernant les troubles moteurs permanents provoqués par les neuroleptiques, plus tard appelé dyskinésie tardive.

1960 : Des médecins français décrivent une réaction toxique potentiellement mortelle aux neuroleptiques, plus tard appelée syndrome malin des neuroleptiques.

1962 : Le Département d’Hygiène Mentale de Californie montre que la chlorpromazine et d’autres neuroleptiques allongent les durées d’hospitalisation.

1963 : Une étude collaborative de six semaines du NIMH conclut que les neuroleptiques sont des médicaments « anti-schizophréniques » sûrs et efficaces.

1964 : Les neuroleptiques provoquent une détérioration des capacités d’apprentissage chez l’homme et l’animal.

1965 : Après un an de suivi, l’étude collaborative du NIMH montre que les patients traités avec des médicaments sont plus susceptibles d’être ré-hospitalisés que les patients sous placebo.

1968 : Dans une étude sur le sevrage, le NIMH constate que les taux de rechute augmentent en relation directe avec le dosage des médicaments. Plus le dosage initial est élevé, plus le taux de rechute est important.

1972 : Un parallèle est fait entre la dyskinésie tardive et la maladie de Huntington, autrement appelée « lésions cérébrales post-encéphaliques ».

1974 : Des chercheurs de Boston montrent que les taux de rechute étaient plus bas avant l’ère des neuroleptiques, et que les patients traités avec des médicaments sont plus susceptibles de devenir socialement dépendants.

1977 : Une étude randomisée du NIMH montre que les patients schizophrènes non-médiqués ont un taux de rechute de seulement 35 % un an après avoir quitté l’hôpital, tandis que ceux traités avec des médicaments ont un taux de rechute de 45 %.

1978 : L’enquêteur californien Maurice Rappaport rapporte que les patients traités sans neuroleptiques ont des résultats cliniques nettement supérieurs dans un délai de trois ans. Seuls 27 % des patients non-médiqués rechutent dans les trois ans après la sortie de l’hôpital, tandis que les patients médiqués rechutent dans 62 % des cas.

1978 : Des chercheurs canadiens décrivent des changements induits par les médicaments dans le cerveau qui rendent les patients plus vulnérables à la rechute, qu’ils appellent « psychose d’hypersensibilité induite par les neuroleptiques ».

1978 : Les neuroleptiques provoquent la mort de 10 % des cellules dans le cerveau des rats.

1979 : On estime la prévalence de la dyskinésie tardive chez les patients traités avec des médicaments entre 24 % et 56 %.

1979 : La dyskinésie tardive est associée à une déficience cognitive.

1979 : Loren Mosher, chef des études sur la schizophrénie au NIMH, rapporte que les patients de Soteria traités sans neuroleptiques ont des résultats supérieurs après un et deux ans.

1980 : Les chercheurs de NIMH mettent en évidence une augmentation de « l’émoussement affectif » et du « retrait émotionnel » des patients traités avec des médicaments, et que les neuroleptiques n’améliorent pas les « aptitudes sociales » de ces patients.

1982 : Les médicaments anticholinergiques utilisés pour traiter les symptômes parkinsoniens induits par les neuroleptiques aggravent la déficience cognitive.

1985 : L’akathisie induite par les médicaments est associé à une plus grande prévalence du suicide.

1985 : Plusieurs affaires font le lien entre l’akathisie induite par les médicaments et des homicides violents.

1987 : La dyskinésie tardive est associée à une aggravation des symptômes négatifs, à des difficultés posturales, à des troubles de l’élocution, à une détérioration des capacités psychosociales et à un déficit de la mémoire. Les chercheurs concluent qu’il peut s’agir d’un « trouble à la fois moteur et démentiel ».

1992 : L’Organisation Mondiale de la Santé montre que le traitement de la schizophrénie dans les pays pauvres donne des résultats bien supérieurs, où seuls 16 % des patients sont maintenus continuellement sous neuroleptiques. L’OMS conclue que vivre dans une nation développée est un « prédicteur fort » qu’un patient ne se rétablira jamais complètement.

1992 : Des chercheurs admettent que les neuroleptiques provoquent une pathologie reconnaissable, qu’ils nomment « syndrome déficitaire induit par les neuroleptiques ». En plus de la maladie de Parkinson, de l’akathisie, de l’émoussement affectif et de la dyskinésie tardive, les patients traités avec des neuroleptiques souffrent d’un accroissement de l’incidence de la cécité, des caillots sanguins mortels, de l’arythmie, des coups de chaleur, des seins qui gonflent, des fuites de poitrines, de l’impuissance, de l’obésité, des troubles sexuels, des troubles du système circulatoire, des éruptions cutanées, des convulsions et de la mort prématurée.

1994 : on observe que les neuroleptiques provoquent une augmentation du volume du noyau caudé dans le cerveau.

1994 : Des enquêteurs de Harvard rapportent que les résultats cliniques dans le traitement de la schizophrénie aux États-Unis semblent s’être détériorés au cours des 20 dernières années, et qu’ils ne sont désormais pas meilleurs que dans les premières décennies du 20e siècle.

1995 : Au cours des deux années suivant la sortie de l’hôpital, le taux de rechute des patients schizophrènes « du monde réel » traités avec des neuroleptiques serait supérieur à 80 %, ce qui est beaucoup plus élevé que dans l’ère pré-neuroleptique.

1995 : La « qualité de vie » des patients traités avec des médicaments est jugée « très pauvres ».

1998 : Des études IRM montrent que les neuroleptiques provoquent une hypertrophie du noyau caudé, du putamen et du thalamus dans le cerveau, « associée à une plus grande sévérité des symptômes négatifs et positifs ».

1998 : La consommation de neuroleptiques est associée à une atrophie du cortex cérébral.

1998 : Des chercheurs de Harvard concluent que le « stress oxydatif » peut être le processus par lequel les neuroleptiques causent des dommages neuronaux dans le cerveau.

1998 : La combinaison de deux neuroleptiques ou plus augmente le risque de mort précoce.

2000 : La consommation de neuroleptiques est associée à une augmentation des caillots sanguins mortels.

2003 : La consommation de neuroleptiques atypiques est associée à un risque accru d’obésité, d’hyperglycémie, de diabète et de pancréatite.

2 commentaires sur “Neuroleptiques: la chronologie de l’échec

  1. Diffuser l’information scientifique est difficile: il faut des vulgarisateurs, des traducteurs…

    Diffuser l’information scientifique en contradiction avec des intérêts financiers, industriels et corporatifs est encore plus difficile, car les lobbys, qui ont des ramifications dans les universités, la presse et l’état, noient la connaissance sous un déluge d’idioties, de divertissements et de faux-semblants, jusqu’à ce qu’il soit presqu’impossible de s’y retrouver.

    Dans un monde où le contrôle les canaux de diffusion est essentielle, c’est la quantité d’information qu’on peut envoyer qui est importante, pas sa qualité ou sa pertinence.

    Une vidéo assez dense sur le sujet: https://www.youtube.com/watch?v=asuph7xJy1Q

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